Julia Thévenot – Sarbacane
A tort, j’ai ouvert “lettre à toi qui m’aime” sans m’attendre à rien. Petit, rose, il était loin de me faire de l’œil, j’ai même failli passer à côté, quelle erreur c’eût été. Merveilleusement écrit par Julia Thévenot, ce livre se lit d’une traite. Construit entre le roman épistolaire et le journal intime, c’est un petit ovni du genre. Originale, brève, l’histoire est la suivante, Pénélope la narratrice, est l’objet de l’amour passionné d’Yliès, histoire à sens unique, la jeune fille nous relate cette idylle ratée. Véritable déclaration de non-amour, elle retrace leur rencontre, son affection pour lui, amicale mais pas amoureuse, les avances repoussées de manière subtile, sans blesser l’intéressé. Car pour lui c’est le coup de foudre au premier regard, les déclarations enflammées, puis le cœur brisé, la tristesse et les reproches…
Rapidement l’histoire prend des proportions dans leur groupe d’amis, les traits sont grossis, on lui cède le rôle de “l’amoureux transi” et elle de “l’amante inaccessible” à qui on reproche tout comme si elle devait s’excuser de ses sentiments, ou plutôt de leurs absences. Pénélope devient la méchante, celle qui a joué, après tout ne savait-elle pas qu’il avait le béguin pour elle, pourquoi alors est-elle devenue son amie ? N’a-t-elle pas sciemment été ambiguë, flattée de l’attention qu’il lui portait?
Il est très intéressant d’avoir le point de vue de la personne aimée mais qui n’aime pas, car on connaît les travers du cœur brisé. Il est facile d’être attendri par l’être rejeté au détriment de celui qui éconduit, pourtant il n’y a pas de coupable et c’est tout l’objet de ce roman. Julia Thévenot ne prend pas parti, elle nuance, nous montre que les apparences sont trompeuses, qu’il n’y a pas qu’un point de vue. C’est une histoire légère qui remet en question et pousse à réfléchir, une vraie réussite qui mérite plus de visibilité.